L’ART S’AFFICHE x Technopôle Angus
For every mile of track laid…” (2024)
Découvrez cette série de découpages de papier de l’artiste Karen Tam, sur la palissade entourant le chantier de la Place Michel Hébert, au coin des rues Molson et William-Tremblay.
L’art s’affiche est un projet d’exposition d’affichage public, ayant pour objectif de rendre accessible l’art contemporain tout en dynamisant visuellement l’espace urbain. Des artistes emergent.e.s et établi.e.s, issu.e.s de pratiques multiples, sont selectionné.e.s et invité.e.s à exposer leurs œuvres dans un environnement à chaque fois inattendu.
Biographie
Vivant et travaillant à Tiohtià:ke/Montréal, Karen Tam 譚嘉文 a exposé son travail et participé à des résidences nationales et internationales depuis 2000, notamment au Musée des beaux-arts de Montréal, au Irish Museum of Modern Art, au Victoria and Albert Museum et au Frankfurter Kunstverein. Lauréate du Prix Giverny Capital 2021, Tam détient un doctorat en Études culturelles de la Goldsmiths, University of London, et une maîtrise en sculpture de la School of the Art Institute of Chicago. Elle est représentée par la Galerie Hugues Charbonneau.
Démarche artistique
À travers mes sculptures et installations, je recrée des espaces comme les restaurants chinois, les salons d’opium, les boutiques de curiosités du quartier chinois, ainsi que d’autres sites de rencontres culturelles, invitant à comprendre l’histoire de la diaspora chinoise par l’expérience de notre corps dans l’espace. Mon étude soutenue des archives m’a amenée à m’interroger sur les récits construits autour de ma communauté et sur la préservation de notre mémoire collective. Je soulève les questions suivantes : “Comment pouvons-nous nous souvenir, représenter, soutenir et, simultanément, nier l’effacement de nos histoires, de nos espaces et de notre communauté ? S’il existe des traces minimes de l’existence d’un individu ou d’une organisation, quels sont les moyens de les rendre à nouveau visibles ?” En mettant activement en lumière les aspects négligés de la culture et des communautés sino-canadiennes, mon intention est de créer des contrepoids aux canons acceptés, aux histoires officielles, aux archives et aux collections publiques.
La série
“For every mile of track laid…” (2024)
Cette série de découpages de papier s’inspire du site des ateliers Angus du CPR et présente six vues qui explorent les multiples connexions historiques entre les Chinois et le système ferroviaire du Canada. De « L’Autre dernier clou (1885) » et « Corps de travailleurs chinois (1917-1920) » qui honorent les contributions des travailleurs chinois, à « Remise à thé du CP, Vancouver (1887) » et « Trains de la soie (1887-1939) » qui parcouraient autrefois le pays, chaque pièce offre un aperçu de moments décisifs. « Pour chaque mile de voie construit… (1881-1885) » est un rappel poignant des vies perdues et révèle les histoires humaines derrière les chemins de fer emblématiques du Canada. Avec la légèreté de « Pâté chinois », ces découpages forment une exploration convaincante de l’histoire, du travail et du commerce.
Description détaillée de chaque pièce :
« L’Autre dernier clou (1885) »
La cérémonie du dernier clou en 1885 marquait l’achèvement du Chemin de fer Canadien Pacifique (CPR), un projet monumental qui reliait le Canada d’un océan à l’autre. Cependant, l’absence de travailleurs chinois sur la photo historique emblématique de cet événement, plantant le « dernier clou » cérémoniel, est un rappel frappant de leur contribution significative mais souvent négligée à la construction du chemin de fer. Des milliers de travailleurs chinois ont travaillé dans des conditions difficiles, subissant discrimination et danger, mais leurs efforts étaient essentiels à l’achèvement du chemin de fer. Leur omission de la photographie reflète les attitudes prédominantes de l’époque, mais leur héritage reste une partie intégrante de l’histoire du Canada. Cette œuvre offre une perspective alternative en imaginant ‘l’Autre’ dernier clou enfoncé par les travailleurs chinois.
« Trains de la soie (1887-1939) »
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les chemins de fer canadiens ont joué un rôle vital dans le commerce de la soie, facilitant le transport rapide de la soie brute de l’Asie à New York via Vancouver. Les trains de soie, caractérisés par leur rapidité et leurs wagons spécialisés, ont parcouru le Canada, avec chaque minute méticuleusement comptée et une priorité absolue sur tout le trafic ferroviaire, y compris face aux trains royaux. Malgré la nature lucrative du commerce de la soie, des défis tels que la Grande Dépression, l’émergence d’alternatives synthétiques et la concurrence des routes maritimes par le canal de Panama ont entraîné un déclin abrupt de la demande de transport ferroviaire de la soie.
« Corps de travailleurs chinois (1917-1920) »
Le Corps de travailleurs chinois (CLC) était composé d’environ 140 000 travailleurs chinois recrutés par les Britanniques et les Français pendant la Première Guerre mondiale pour soutenir l’effort de guerre allié. Ces travailleurs ont joué des rôles non combattants cruciaux, tels que le creusement de tranchées, la construction de routes, la manipulation de fournitures et le nettoyage du champ de bataille. Les travailleurs sont arrivés au Canada par bateau, avant d’être transportés à travers le pays dans des trains secrets vers la côte est. De là, ils ont voyagé en Europe où ils ont servi sur le front occidental pendant et après la guerre.
« Pâté chinois »
Le pâté chinois, un plat classique québécois composé de couches de bœuf haché, de maïs et de purée de pommes de terre, reste un aliment de base culinaire apprécié. Bien que ses origines soient entourées de mystère, une théorie populaire est que ses racines remontent au XIXe siècle, lorsque des travailleurs chinois ont travaillé à la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique. On suppose que des cuisiniers chinois, s’occupant des travailleurs du chemin de fer, ont pu créer ce plat. Cependant, les historiens contestent cette théorie, citant le manque de documents complets sur l’expérience des travailleurs chinois du chemin de fer. Les témoignages documentés révèlent qu’ils ne mangeaient pas très bien et que beaucoup succombaient à la malnutrition, soulevant des questions sur la véracité de la théorie.
« Remise à thé du CP, Vancouver (1887) »
Cette découpe est basée sur une photographie de William Notman de l’entrepôt du CPR qui contenait des caisses de thé en attente d’être transportées à travers le continent.
« Pour chaque mile de voie construit… (1881-1885) »
Entre 1880 et 1885, le Chemin de fer Canadien Pacifique a fait venir environ 17 000 travailleurs chinois pour sa construction. Malgré leur contribution indispensable, ces travailleurs étaient soumis à un salaire inéquitable et à des conditions de travail sévères. Tragiquement, entre 600 et 4 000 hommes chinois ont perdu la vie en travaillant sur le CPR, succombant à des accidents, aux dures conditions hivernales, aux maladies et à la malnutrition. Les travailleurs chinois étaient chargés des tâches les plus dangereuses, notamment la manipulation d’explosifs à base de nitrogène pour briser la roche solide. On dit qu’il y a un homme chinois mort pour chaque mile de voie.