« Depuis une île aussi grosse qu’un petit-pois, un poète dont personne n’avait entendu parler écrit : « Où que nous regardions, l’ombre gagne […] Pourtant nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre ».
D’une main ferme, il s’était saisi de ce qui commande le respect à autrui ; la dignité. Non pas celle que l’on concède comme une pédanterie, mais celle dont se saisissent les oppressé.e.s et les affranchi.e.s. Au mitan de la Seconde Guerre mondiale et depuis la marge des mondes, un poète s’empare d’une “arme miraculeuse”, la dignité. Elle fait redresser l’échine et regarder droit dans l’adversité.
La voix d’Aimé Césaire aussi connu comme la voix de ceux qui “n’ont point de bouche” a fait le voyage jusqu’aux vitrines du Village. Elle a roulé dans le tonner des rêves pour habiter notre aujourd’hui. Bien que cette exposition soit dans un autre lieu et un autre temps, elle se saisit d’une même dignité.
Les artistes dont les œuvres et les corps s’affichent ne s’excusent pas d’exister et encore moins de rêver. Chacun a son agentivité propre et se nomme : Métis.se, Sino-canadien.ne, Noir.e, Autochtone, queer, gay, lesbienne, latin-x, bispirituel ou transgenre. Dire «non à l’ombre» participe d’un refus de se laisser nommer par ceux qui ne sont pas eux. Marqués par un fort désir de justice sociale et d’émancipation, ces artistes renseignent parfaitement ces mots de Martin Luther King : « Nous ne serons pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable.»
Dans le carrousel de la diversité, ces artistes se savent être un potentiel “matériel de monstration exotique ”. Ce faisant, leurs œuvres se jouent d’un contre discours qui fout en l’air les exotismes ordinaires et racistes dans lesquels sont figés cocotiers, palmiers, plumes d’Indiens, pagnes de bananes, kimono, êtres bizarrement sexués et corps aux peaux noires, rouges ou jaunes.
C’est depuis cette marge discursive, que ces artistes des minorités écrivent un nouveau poème de dignité et de rêves. Peut-être voyagera-t-il à travers l’éther jusqu’aux générations de demain. »
Eddy Firmin